Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan : la Ville de Pierre

Tachkent, capitale de l’Ouzbékistan : la Ville de Pierre

Cette ville moderne de 4 millions d'âmes, aux grands boulevards et aux beaux monuments, mérite son titre de capitale de l’Ouzbékistan à bien des égards.

Difficile de croire qu’une contrée si exotique pour un occidental comme l’Ouzbékistan puisse avoir une ville si grande et si moderne. L’ignorance occidentale est presque proportionnelle à la taille de Tachkent, plus grande ville d’Asie Centrale, avec ses plus de 2 millions d’habitants, 4 millions si on compte l’agglomération. Nous parlons ici de la quatrième plus grande ville de l’ex-URSS et de la CEI, juste derrière Moscou, Saint-Pétersbourg et Kiev, une ville qui a plus de 2000 ans d’histoire, que je vous propose de visiter.

Bâtiments de l'ère soviétique

Bâtiments de l’ère soviétique

Tachkent est la capitale de l’Ouzbékistan depuis 1930. « Tach » veut dire « pierre », « Kent », « ville », tout simplement. Elle fut, du temps de l’URSS, une des villes préférées des soviétiques. Quand on est un simple touriste, on peut comprendre pourquoi. Tachkent est une ville plus fraîche que le désert environnant, grâce aux montagnes toutes proches. Cette ville moderne, aux grands boulevards et aux beaux bâtiments, mérite son titre de capitale de l’Ouzbékistan à bien des égards, comme nous le verrons.

Un immeuble de Tachkent parmi tant d'autres…

Un immeuble de Tachkent parmi tant d’autres…

Histoire de la ville de Tachkent

Il existe une vive polémique sur les origines de la ville. Les soviétiques par exemple ont fêté les 2000 ans de la ville en 1983, tandis que les autorités ouzbèkes ont fêté en 2009 ses 2200 ans… Le problème est qu’il n’existe pas un site archéologique précis de cette époque, mais plusieurs. Tachkent est passée par plusieurs périodes de gloire et de déclin. Dès le départ, la ville d’origine, que ce soit sur le site de Kanka ou de Tchatch, fut une oasis prospère, étape obligatoire de la Route de la Soie. Tachkent était alors un point central du Zoroastrisme, religion balayée par l’arrivée de l’Islam, apportée par les conquérants Arabes, à l’issue de la Bataille de Talas en 751. Le complexe religieux de Khazrat Imam possède depuis l’un des plus anciens exemplaires du Coran, le Coran d’Othman.

L'architecture ouzbèk moderne reprend les codes des anciens bâtiments

L’architecture ouzbèk moderne reprend les codes des anciens bâtiments

Tchatch fut détruite par les Arabes, forçant ainsi la ville à se reconstruire à un autre endroit, plus au nord. Au XIIIème siècle, cette ville désormais musulmane est conquise par les Mongols. Une fois de plus, Tachkent fut totalement détruite en 1219. La ville, désormais sous l’emprise des Timourides, descendants de Tamerlan (« Amir Temur » en ouzbèk, l’Emir de Fer), puis des Chaybanides, restera indépendante jusqu’à son annexion par le khanat de Kokand en 1809. En 1865, le général russe Mikhaïl Tcherniaïev conquis la ville, qui passe sous le giron de l’Empire Russe, qui en fait la capitale du Turkestan. Désormais, les russes, attirés par le climat, beaucoup plus doux que celui des villes de Russie, vont arriver en masse. La cohabitation est pacifique, Tachkent gagnant des attributs de ville européenne.

Tout le centre ville a été rénové

Tout le centre ville a été rénové

Pendant la seconde guerre mondiale, la russification de la ville fut intensifiée par les réfugiés russes, fuyant la guerre. Avec eux, ils apportèrent l’industrie lourde, la mettant à l’abri de l’avancée allemande. De nombreux monuments, construits tout au long d’une histoire riche en événements furent détruits dans le séisme de 1966, un siècle après un autre grand séisme qui toucha la ville. Ce dernier tremblement de terre détruisit les habitations de 300000 personnes. La ville, sévèrement touchée, bénéficia d’un élan de générosité de pays étrangers, qui participèrent à la reconstruction. Nous pouvons voir certains quartiers de nos jours avec le style architectural du pays qui avait aidé à l’époque Tachkent.

Au fond, Toshkent Teleminorasi, grande antenne TV

Au fond, Toshkent Teleminorasi, grande antenne TV

Ce qui a fait le succès de Tachkent, c’est avant tout son climat clément, favorable à l’agriculture, assez rare en Asie Centrale. Tachkent est principalement alimentée en eau par la rivière Tchirtchik, venant des montagnes de Tian Shan, toutes proches, à une quarantaine de kilomètres. Il est ainsi possible de skier à 70 kms de Tachkent. La ville possède de nombreux endroits emblématiques, avec des parcs, des marchés, mais peu de monuments, ravagés par plusieurs conquérants ou tremblements de terre… Nous allons nous promener un petit peu dans cette superbe capitale, combinant le meilleur de l’architecture traditionnelle ouzbèke, européenne, soviétique et moderne.

Statue équestre de Tamerlan, avec au fond le nouveau Palais des Congrès

Statue équestre de Tamerlan, avec au fond le nouveau Palais des Congrès

La Place de Tamerlan

La Place de Tamerlan occupe une position tout à fait centrale dans la ville, où se trouvait notre hôtel, le plus grand du pays, l’hôtel Uzbekistan, dans lequel l’esprit de Intourist rôde encore… Cette place était, comme bien d’autres en URSS, édifiée à la gloire du régime communiste, où se succédèrent les statues de Lénine, puis Staline, Karl Marx et un général russe… pour finalement laisser la place en 1996 à la statue équestre actuelle du grand conquérant Tamerlan.

Statue de Tamerlan à cheval, avec l'hôtel Ouzbékistan et le Palais des Congrès

Statue de Tamerlan à cheval, avec l’hôtel Ouzbékistan et le Palais des Congrès

Cette statue fut édifiée à l’occasion du 660eme anniversaire de la naissance de l’émir de fer. Dessus est inscrite une des expressions préférées du grand dirigeant, « la Force est dans la Justice ». Si Tamerlan est représenté à cheval, c’est parce que Tachkent était la ville de sa diplomatie, d’où il rencontrait les ambassadeurs et autres notables venus du monde entier.

Le splendide Palais des Congrès que nous pouvons voir aujourd’hui sur la grande place de Tamerlan est l’œuvre d’un architecte allemand, construit par des ouvriers polonais. Cette diversité des origines ne se voit pas dans le style architectural de l’édifice, qui est plutôt en continuité avec les anciennes mosquées que nous pouvons voir un peu partout dans le pays. Regardez donc les colonnes ! On y voit également la représentation du soleil zoroastrien, comme nous pouvons le voir à Samarcande.

Parc de Tamerlan : très beaux édifices

Parc de Tamerlan : très beaux édifices

C’est sur la place que se trouve l’immense  musée des timourides, facilement reconnaissable avec son dôme godronné. Nous n’avons pas eu le temps de le visiter, sans doute pour une prochaine fois. Quoiqu’il en soit, mieux vaut attendre, peu d’objets de l’époque de Tamerlan s’y trouvent, tous étant éparpillés dans plusieurs musées russes et européens, même si les autorités ouzbèkes font de leur mieux pour récupérer ces importants trésors de leur patrimoine.

La majorité des parcs de la ville ont été plantés à l’époque soviétique, avec de nombreux platanes centenaires, qui ont été enlevés pour cause de maladie galopante dans les années 2000, remplacés par d’autres essences. Les platanes du Parc de Tamerlan cachaient l’Hôtel Uzbekistan et le Palais des Congrès… ce n’est finalement peut être pas un mal d’avoir un peu dégagé la place.

Ancien quartier de « Broadway »

A l’opposé du quartier autour de la Place de Tamerlan, un quartier rénové, propre et contrôlé, il y avait le quartier « Broadway ». Ce quartier était l’ancien point de rencontre des personnes aux mœurs faciles. Son nom officieux est bien sûr tiré du célèbre quartier New-Yorkais, où les gens viennent se divertir. Il y avait des restaurants, des salles de jeux, et autres strip-teaseuses… En 2007, le président ouzbèk, Islam Karimov fait raser le quartier, en vue du grand événement qui allait faire de Tachkent la « Capitale de l’Islam » pour une année.

Ancien quartier Broadway, où les ouzbèks allaient voir les filles de joie…

Ancien quartier Broadway, où les ouzbèks allaient voir les filles de joie…

Notre guide ouzbèk nous raconte comment le quartier fut complètement bouleversé d’une année sur l’autre, si rapidement et si profondément qu’il ne l’avait plus reconnu ! Aujourd’hui, nous sommes dans des rues propres, dégagées, où seuls subsistent de cette époque révolue les marchands de tableaux. Un peu comme ce que l’on peut trouver Place du Tertre à Paris, de nombreux peintres viennent vendre leurs tableaux, posés à même le sol. La place ne manque pas, nous pouvons apprécier la qualité de ces nombreux tableaux, parfois originaux, parfois de simples reproductions. Pour les moins pressés, il est également possible de se faire un portrait par l’un des nombreux artistes présents. La jeunesse vient toujours s’amuser ici, il existe toujours des salles de spectacle, de grandes salles de jeu, et surtout la fac de droit est toute proche. Nous ne verrons plus en revanche les prostituées, éparpillées désormais dans toute la ville. Les autorités ont trouvé que ça faisait désordre, dans un endroit où de nombreux touristes passent…

Les tableaux sont de très bonne qualité, vendus en pleine rue

Les tableaux sont de très bonne qualité, vendus en pleine rue

Ici, on peut se faire son portrait en dessin

Ici, on peut se faire son portrait en dessin

La Place de l’Indépendance, ancienne Place Rouge

Le centre de pouvoir en Ouzbékistan est aujourd’hui situé dans un grand parc rafraichissant avec de nombreux jeux d’eau, avec la Place de l’Indépendance comme élément central. Au centre da la Place figurait une statue monumentale du père de l’URSS, Lénine, la plus grande jamais construite. Elle fut remplacée par un gigantesque globe terrestre où ne figure que l’Ouzbékistan. Sur ce monument, nous pouvons voir un groupement de statues, avec une mère et son bébé. L’enfant représente l’Ouzbékistan, en analogie avec la jeunesse d’un pays qui n’existe formellement que depuis 1991, la mère représentant le monde.

Place de l'Indépendance, ancienne Place Rouge

Place de l’Indépendance, ancienne Place Rouge

C’est sur la Place de l’Indépendance que nous allons trouver les différents édifices associés au pouvoir. Les grands événements de la ville y avaient lieu jusqu’en 2005, date à laquelle le nouveau Sénat fut inauguré, en remplacement de l’ancienne Chambre des Députés. Le Sénat actuel est composé de 120 députés et d’une centaine de sénateurs. Chaque région possède 6 sénateurs, 16 sont nommés par le président. Les sénateurs peuvent être des spécialistes et des scientifiques, tous élus pour 5 ans.

C’est une place particulièrement appréciée de ce que je nommerais la « jeunesse dorée » de Tachkent, où l’on peut voir des jeunes personnes, clinquants sous les habits à paillette et les smartphones, qui se prennent en photo avec les touristes. Quoiqu’il en soit, c’est un endroit qui « respire », en plein cœur de la capitale, qui laisse la place au soleil, à la verdure, aux espaces. On sent que c’est une ville moderne et agréable, ça change un petit peu de la claustrophobie de bien de nos villes européennes.

Au fond à droite, bâtiment où se réunissent les ministres

Au fond à droite, bâtiment où se réunissent les ministres

Ancienne place du Reghistan

Chaque ville d’Ouzbékistan possédait une place nommée « Reghistan », point de rencontre des commerçants, venus faire les marchés. C’était une place dédiée aux événements qui rythmaient la vie de la ville. Celle de Tachkent n’existe plus, ou du moins, dans sa forme telle qu’un ouzbèk avait pu la connaître avant le grand tremblement de terre de 1966. En effet, les soviétiques, lors de la reconstruction, ont transformé le Reghistan en un carrefour de grandes rues, très fréquentées. C’est aujourd’hui l’entrée du Bazar de Chorsu.

Les coupoles du Bazar de Chorsu

Les coupoles du Bazar de Chorsu

Sur cette entrée, faisant face au grand hôtel tout droit venu de l’ère soviétique, nous trouvons la médersa Koukeldach, réhabilitée en un espace religieux, après avoir servit d’entrepôt sous la domination de l’URSS. Elle datait à l’origine du XVIe siècle, mais a été victime du séisme de 1966. Reconstruite depuis, elle n’a pas de mosquée. Les élèves de la médersa doivent prier dans la mosquée juste à coté, la mosquée Juma, rénovée en 1997 avec ses coupoles en zinc emblématiques. Cette mosquée est la deuxième plus grande mosquée du vendredi de la capitale.

Tachkent, ville moderne

Dans une ville aussi grande, il est évident que tout n’est pas rose et si bien entretenu que le grand centre ville, lisse et propre pour le plaisir des yeux. Comme ailleurs, les grands immeubles d’habitation pullulent, comme ailleurs, la circulation automobile peut être un fléau. Mais pas comme ailleurs, l’urbanisme a su limiter la casse d’une croissance aussi importante, avec un métro efficace et de larges avenues. Quatre avenues très larges existent par ailleurs dans Tachkent. Elles ont été voulues par les soviétiques, en vue d’un éventuel nouveau conflit majeur : en effet, les avenues devaient être assez larges pour permettre à des avions de grosse portée d’atterrir.

Tout est très dégagé, on respire en centre ville!

Tout est très dégagé, on respire en centre ville!

Charaf Rachidov fut le premier secrétaire du Parti Communiste Ouzbèk en 1953. Il fit construire le métro de Tachkent et les hôtels Intourist de la ville. Né dans le désert entre Tachkent et Samarcande, il obtenait les permis pour construire en faisant habilement signer les autorisations nécessaires par les autorités soviétiques après des conversations opportunément arrosées de vodka.

Le métro de Tachkent est le seul d’Asie Centrale, et existe depuis 1977. Il y avait alors deux lignes de 15 km. Depuis l’indépendance, les habitants de Tachkent disposent d’une troisième ligne de métro. Ce métro est l’un des plus beaux du monde, n’ayons pas peur des mots, comme une grande partie des métros issus de l’ère soviétique. Nous avons pu visiter quelques stations du métro, mais nous n’avons pas pu prendre des photos, pour des raisons de sécurité.

Statue de Tamerlan, assis

Statue de Tamerlan, assis

La population tachkentoise travaille principalement dans l’industrie, composée d’usines à pièces pour avions et tracteurs, mais également d’usines de tissage et tricotage. Tachkent est un grand centre de traitement des matières premières agricoles de la région. Tout le monde a un travail, selon les chiffres officiels des autorités ouzbèks, nous ne sommes pas encore dans une économie de marché à l’occidentale, mais plutôt sur une économie protégée comme elle pouvait l’être pendant l’époque communiste. Une leçon peut être, pour nous autres occidentaux qui laissons nos pauvres errer dans les rues transis de froid en plein hiver…

Photos de Tachkent

Parc de Tamerlan

Parc de Tamerlan

Ce nouveau parc est très bien entretenu et apprécié des habitants de Tachkent

Ce nouveau parc est très bien entretenu et apprécié des habitants de Tachkent

Université de Droit Civil

Université de Droit Civil

Plaque de nom de rue ouzbèk : c'est la rue Sayilgoh où se trouve la fac de droit

Plaque de nom de rue ouzbèk : c’est la rue Sayilgoh où se trouve la fac de droit

Musée des Timourides

Musée des Timourides

Ministère des Finances

Ministère des Finances

Sénat, construit en 2005

Sénat, construit en 2005

Evolution sur 50 ans de la Place de l'Indépendance

Evolution sur 50 ans de la Place de l’Indépendance

Une salle de concert, le Turkiston Palace

Une salle de concert, le Turkiston Palace

La cigogne est un symbole de paix

La cigogne est un symbole de paix

Hôtel moderne, non loin du Bazar de Chorsu

Hôtel moderne, non loin du Bazar de Chorsu

Mosquée Juma

Mosquée Juma

Entrée de la médersa Koukeldach

Entrée de la médersa Koukeldach


Le mausolée de Tamerlan : le Gour Emir de Samarcande

Coupole du Mausolée de Tamerlan

Tamerlan, conquérant pourtant impitoyable et sanguinaire avait aussi un côté raffiné, qui s’est exprimé dans l’architecture de sa capitale, Samarcande.

La mosquée Bibi Khanoum de Samarcande

Mosquée Bibi Khanym de Samarcande

Pour embellir sa nouvelle capitale, Tamerlan voulu y construire un monument aussi grandiose que ce qu’il pu voir lors de ses nombreuses conquêtes.

Artisanat en Ouzbékistan

Artisanat en Ouzbékistan

Chaque région du pays a sa spécialité, comme la céramique de Ferghana ou les couteaux de Boukhara.

Liab-i-Haouz, « au bord du bassin » à Boukhara

Liab-i-Haouz, « au bord du bassin » à Boukhara

« Au bord du bassin » est un complexe d’édifices en plein centre de Boukhara, où les boukhariotes aiment se retrouver autour d’un thé ou d’un jeu de cartes.

Commentaires