Khiva et sa ville intérieure Itchan Kala
Aujourd’hui, Itchan Kala (ou « ville intérieure ») est habitée par 1500 habitants à peine, et tout est conservé dans l’état d’origine, classement au patrimoine de l’humanité oblige.
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Khiva est une petite ville de 50000 habitants, à proximité de la grande ville d’Ourguentch, où notre avion a atterri. Ourguentch ne présente pas d’intérêt touristique particulier, c’est une grande ville de 200000 habitants typique de l’ère soviétique, avec ses barres d’immeubles et ses grandes rues droites. Il ne faut pas confondre cette nouvelle ville d’Ourguentch avec l’ancienne Kounia-Ourguentch, située au Turkménistan, à 150kms de là. Notre guide ne nous y attardera pas, on ne fait que la traverser en voiture, pour rejoindre Khiva, une des étapes de la Route de la Soie, dont la « ville-musée », Itchan Kala, entourée de remparts, est patrimoine mondial de l’UNESCO.
Les murailles hautes de dix mètres protègent l’ancienne oasis, dernier refuge des anciens caravaniers avant de s’attaquer au grand désert traversé par la Route de la Soie. Ici, les voitures cohabitent avec les ânes, la modernité rencontre une autre époque, où les touristes que nous sommes rencontrent des artisans comme au Moyen-âge aussi bien que des vendeurs de souvenirs…
Notre arrivée à Khiva est notre premier véritable contact avec l’Ouzbékistan, après les formalités de douane de l’aéroport d’Ourguentch. Nous rentrons pour ainsi dire dans le vif du sujet, avec cette petite ville de province, loin de Tachkent la capitale, mais tellement riche d’un patrimoine historique inestimable ! Toute Itchan Kala, fondée il y a plus de 2500 ans, est donc entourée de remparts en pisé, mesurant 600 mètres de long pour 400 mètres de large, sur un plan rectangulaire comme le veut la tradition d’Asie Centrale. Pour y entrer, il faut passer par l’une de ses quatre portes, dont la fameuse Ata Darvaza. La ville extérieure, « Ditchan Kala », est également ancienne, mais il ne reste aujourd’hui pratiquement plus rien de ses remparts.
Khiva était un important centre culturel, avec de nombreuses madrasas, où l’on étudiait le Coran. Mais ces écoles de Khiva ne se limitaient pas seulement à l’étude du livre Saint, elles dispensaient également des études plus classiques, avec des mathématiques, astronomie, ou de l’histoire par exemple. Un exemple de cet amour des sciences est incarné par Al-Khawarizmi, né à Khiva en 783. Son nom ne vous dit peut être pas grand-chose, mais il n’est autre que l’un des plus grands mathématiciens de l’humanité. Il popularisa l’utilisation des chiffres arabes, et on lui doit le mot « Algèbre », du titre d’un de ses livres, et du mot « Algorithme » une déformation latinisée de son propre nom. Al-Khawarizmi tire son nom lui-même de l’ancien nom de Khiva, Khwarezm, aujourd’hui le nom de la région.
Histoire de Khiva
Selon la légende, Khiva fut fondée par l’un des fils de Noé, Sem, qui y creusa le puits Keivah il y 2500 ans. L’Oasis de Khiva, situé au sud du fleuve Amou-Daria (l’antique Oxus), était un royaume perse, le Khwarezm, connu pour son système d’irrigation développé et sa religion, le Zoroastrisme. De nombreux bouleversements auront lieu sur son territoire. C’est en l’an 712 que la ville sera conquise par les Arabes, apportant avec eux l’Islam et leur architecture originale. Puis en 1221, la ville sera dévastée par les Mongols de Gengis Khan. En 1379, c’est au tour de Tamerlan de prendre la ville. Ce n’est qu’en 1512 que la ville sera conquise par les Ouzbèks, centre du nouveau khanat. Les khanats étaient des royaumes dirigés par un descendant de Gengis Khan. En 1873, le khanat devient un protectorat russe, et sera finalement intégré à l’URSS en 1924 après sa propre révolution soviétique de 1920. Deux archéologues auront beaucoup fait pour la connaissance de l’histoire de Khiva : le russe Sergej Tolstov et l’ouzbèk Gulyamov, à tel point qu’ils sont aujourd’hui très respectés dans la région.
Monuments de Khiva
L’ancienneté de la ville, n’est plus vraiment visible aujourd’hui. La plupart des édifices datent de l’époque soviétique. Les monuments que nous pouvons voir aujourd’hui sont presque tous du XIXe siècle, nés grâce à l’énergique dirigeant de l’époque, Alla Kouli Khan. Le Palais Tasch Hovli, la madrasa Alla Kouli, le grand caravansérail ou les coupoles du Tim Alla Kouli Khan sont tout autant d’exemples de cette période. Même l’ancienne forteresse, Kounia Ark, créée en 1686 par Arang Khan sera convertie en palais par Alla Kouli Khan. Les plus anciens monuments sont finalement les mausolées de Pahlavon Mahmud et de Sayid All-Uddin, datant du XIVe siècle.
Le Palais Tasch Hovli (Palais de Pierre) fut construit en huit ans et utilisa la main d’œuvre de 1000 esclaves. L’architecte, qui avait répondu à l’appel d’offre du khan, exigeant que les travaux soient terminés dans les deux ans, accepta, en sachant parfaitement qu’il était impossible de répondre à une telle exigence. Seule la beauté de on œuvre déjà bien avancée au bout de deux ans le sauva du courroux du souverain. Les concubines du harem étaient à l’étage, en se tenant au balcon. Dans la cour, nous pouvons voir deux socles à yourte, où il était préférable de résider pendant les rigueurs de l’hiver.
La Mosquée Djouma, mosquée du vendredi, a d’abord été construite au Xe siècle, puis profondément remaniée au XVIIIe siècle. C’est la principale mosquée de la ville. Elle comporte 213 colonnes de bois sculpté. 80% des colonnes ont été changées depuis l’indépendance du pays en 1991. Il est très rare qu’une mosquée du vendredi soit au centre ville, ce qui est un signe de prestige indéniable, mais ceci arrangeait l’émir, qui pouvait ainsi contrôler plus facilement les fidèles. Les colonnes étaient pour beaucoup offertes par les souverains étrangers, ce qui agrandissait toujours plus la grande mosquée du vendredi. Ce sont les nombreux tremblements de terre normaux pour cette région qui dictèrent les différentes restaurations que la mosquée et la ville dans son ensemble connurent tout au long des siècles de son existence.
Le mausolée de Pahlavon honore le grand homme que fut ce poète, religieux, lutteur et tanneur. Ce qui fait la réputation de Khiva, ce ne sont pas ses monuments, tout aussi beaux qu’ils soient. C’est plutôt la ville dans son ensemble, et l’intégration parfaite de cette architecture islamique de l’Asie Centrale du XIXe siècle avec les parties plus anciennes. Le complexe d’Islam Khodja est le plus merveilleux exemple de cette architecture : construit au début du XXe siècle, son magnifique minaret, le plus grand de la ville avec ses 45 m est parfaitement intégré au reste du paysage et est la dernière grande réalisation de l’Art Islamique de cette zone du monde.
Khiva est une ville accueillante et très tolérante, fruit sans doute d’une longue occupation soviétique. C’est ainsi que la madrasa Mohammed Amin Khan, construite en 1851, est aujourd’hui un hôtel, dans lequel votre humble serviteur a dormi. Je dois dire que dormir dans un ancien lieu saint, et manger dans une ancienne mosquée a quelque chose de perturbant, mais quel régal pour les yeux et pour l’imagination ! Mohammed Amin Khan, outre la madrasa qui porte son nom, fit aussi construire Kalta Minar, le « Minaret Inachevé », qui aurait dû être le plus grand d’Asie Centrale. La mort du khan interrompit définitivement les travaux de ce superbe minaret. Si l’édifice avait été achevé, il aurait fait 70m de hauteur, mais impressionne malgré tout aujourd’hui, par sa superbe décoration en céramique colorée et son énorme base.
Artisanat de Khiva
La madrasa d’Islam Khodja est aujourd’hui un musée de l’artisanat et du tissu. On y trouve des tampons en bois servant à imprimer des tissus, des costumes ouzbèks traditionnels de la région, faits de tissu « adras », faits d’un mélange de soie et de coton. La pure soie était réservée aux femmes. Les tissus « atlas » possèdent des motifs « comme un arc-en-ciel sur l’eau », selon notre guide.
Une ville ne peut jamais se résumer à ses seuls monuments. Tout ce que l’on voit a été bâti par des hommes, par des artisans, qui ont transmis leur savoir de père en fils. Aujourd’hui, l’artisanat est encore très fort à Khiva, et pas uniquement que pour les touristes ! Le plus visible et spectaculaire des artisanats locaux est sans doute la sculpture sur bois. Les portes sont presque toutes très finement sculptées, sur de l’orme principalement. On retrouvera également de la céramique, surtout de la majolique.
Khiva est une ville qui nous fait rêver, nous fait voyager dans le passé. De nombreux cinéastes viennent ici tourner des scènes pour leurs documentaires ou leurs épopées historiques, tant le cadre s’y prête à la perfection. C’est une ville calme et reposante, avec de grands espaces, loin de nos villes européennes toutes entassées. Une étape idéale pour se reposer et reprendre des forces avant d’affronter la route du désert et de rejoindre Boukhara…
Photos de Itchan Kala et Khiva
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