Mayence, ville d’Histoire et de tourisme (un peu)
Tout reconstituteur de la période romaine de notre histoire le sait : Mayence est une ville majeure de l’Antiquité romaine en Allemagne. Parée de nombreux monuments, elle rayonnait dans la province de Germanie, de par sa culture et sa vitalité économique. Aujourd’hui, presque deux millénaires plus tard, Mayence, « Mainz » en allemand, n’est plus qu’une ville de taille moyenne, privée de sa grandeur passée… et sans grande saveur touristique.
Table des matières
Mayence la romaine : Mogontiacum
Si on regarde la Mayence d’aujourd’hui, on a beaucoup de mal à croire qu’il s’agit là d’une ville fondée en l’an -12 par Nero Claudius Drusus, fils adoptif d’Auguste, père de l’empereur Claude. En fait, plus qu’une ville, Mogontiacum était avant tout un camp romain abritant deux légions, la Legio XIV Gemina et la Legio XVI Gallica. Un deuxième camp romain fut même construit à Weisenau, un quartier de la Mayence d’aujourd’hui, pour abriter des légions et troupes auxiliaires supplémentaires, venues prêter main forte dans la conquête de la Germanie. Ce deuxième camp fut occupé jusqu’à la fin du Ier siècle, et il n’en reste rien de nos jours.
Mayence fut fondée a priori sur un petit établissement urbain du peuple Vangion, une tribu celto-germanique. Pour les Romains, qui distinguaient mal les Germains des Gaulois, nous étions ici encore en Gaule. Mogontiacum, comme les Romains l’avaient nommée, n’eut jamais l’importance qu’avaient pu avoir Cologne ou Trêves, ses deux grandes voisines. Il n’empêche : sa situation géographique privilégiée sur le Rhin permit le développement de la batellerie. Son port fluvial, toujours actif aujourd’hui, était primordial dans le transport de biens commerciaux.
En l’an 89, un siècle après sa fondation, la ville fut érigée au rang de capitale de la nouvelle province de Germanie Supérieure. Elle connaitra dès lors plus de 150 ans de prospérité, jusqu’à la perte des Champs Décumates en 258, transformant Mayence en ville frontalière.
De par son statut de capitale romaine, Mogontiacum se couvrit d’édifices majeurs, allant du pratique comme les thermes au culturel, comme le théâtre romain, encore visible aujourd’hui. Mais la ville resta malgré cela avant tout militaire, occupée par la Legio XXII Primigenia depuis sa transformation en capitale de province. Cette légion était encore probablement installée à Mayence deux siècles plus tard, son nom lui étant dorénavant étroitement associé.
Si les reconstituteurs, dont je fais partie, ont Mayence en référence, c’est en grande partie grâce à la formidable découverte lors de la construction d’un chemin de fer en 1848 du « glaive de Mayence » également connu sous le nom de « épée de Tibère ». Il s’agit d’un glaive très bien conservé, daté du début du Ier siècle de notre ère, où se trouve représenté l’empereur Tibère. Tous les glaives romains de la même période et avec la même forme sont dits de type « Mayence ». Il est aujourd’hui conservé au British Museum.
Architecturalement, il ne reste malheureusement plus grand-chose de cette période romaine. Les rares ruines sont assez mal conservées ou enfermées dans des musées. Le plus grand héritage romain finalement, c’est le vin, qu’ils apportèrent avec eux. Mayence est la capitale de la région vinicole de la Hesse rhénane.
Notons tout de même quelques points de repères géographiques et historiques remarquables.
Le théâtre romain de Mayence
Une grosse déception. C’est comme ça que je définirais ma visite du théâtre romain. L’ayant vu sur un plan de la ville de Mayence, j’étais bien décidé à voir ce haut lieu de la civilisation romaine dans ces contrées lointaines de l’Empire. Après un petit bout de marche, je suis arrivé à l’endroit où le théâtre était supposé être et… rien. Il m’a fallut comprendre qu’il était intégré à une gare ferroviaire, derrière des panneaux transparents.
Il s’agissait tout de même d’un très grand théâtre de 10 000 places. Détecté lors de la construction du chemin de fer en 1884, de nouveaux vestiges furent mis à jour à l’orée de la Première Guerre Mondiale. Le théâtre ne sera finalement véritablement fouillé que bien plus tard, en 1998.
Un amphithéâtre devait exister à Mogontiacum, mais aucune trace n’a encore été retrouvée.
Le cénotaphe de Drusus
Drusus, le fondateur du camp militaire et par conséquent de la ville de Mayence, est un personnage glorieux de l’histoire romaine. Ses nombreuses victoires militaires, notamment en Germanie, lui donnèrent beaucoup de prestige. Beau-fils préféré d’Auguste, il était destiné à prendre la charge impériale à sa suite. Sa mort, prématurée, provoqua un immense émoi à Rome. En son honneur, on construisit un cénotaphe à Mayence, dont nous pouvons toujours voir les ruines aujourd’hui.
Cette tour, à l’origine haute de 100 pieds romains (presque une trentaine de mètres) ne fait plus aujourd’hui que 20 mètres. Dépouillée de son marbre au Moyen Âge, elle fut intégrée au système défensif de la ville. On trouve aujourd’hui le cénotaphe dans la Citadelle de Mayence.
L’aqueduc romain
L’amour des romains de l’Antiquité pour l’eau n’est pas une légende : il se concrétisait avec de superbes thermes et des fontaines à chaque coin de rue. Mayence, cité romaine en Germanie, ne pouvait pas déroger à la règle, et il fallut, comme ailleurs dans l’Empire, apporter de l’eau pour le bien de tous.
C’est sous le règne de Vespasien (69 – 79) que l’ouvrage fut construit. L’eau était captée à Fontanetum, actuel Finthen, à 9 km. Le nom romain signifie quelque chose comme « champ de sources », tant l’eau devait abonder en cet endroit.
L’aqueduc, souterrain au début de son parcours, devient aérien lorsqu’il doit franchir de fortes déclivités, avec par endroits des piliers qui devaient faire 25 m de haut. Il n’en reste aujourd’hui plus que des ruines, nommées les « pierres romaines ».
La colonne de Jupiter
C’est en 1905 que l’on retrouva les fragments de cette magnifique colonne au chapiteau corinthien datant de la deuxième moitié du Ier siècle. Elle était totalement détruite, mais sera patiemment reconstruite par le conservateur Ludwig Lindenschmit. On peut voir aujourd’hui des reproductions de cette colonne devant l’Hôtel de l’ordre teutonique de Mayence ou à Saalburg, l’originale se trouvant au musée du Land. Le fait que cette colonne était dédiée à Néron n’est probablement pas étranger à sa destruction totale.
Le sanctuaire d’Isis et Magna Mater
Les cultes à mystères ou se rapportant à la déesse mère étaient très populaires dans l’Empire Romain. Au premier et deuxième siècle de notre ère, le sanctuaire d’Isis et Magna Mater était très utilisé, les déesses devant avoir un grand nombre de dévots. Quand le christianisme arriva à Mayence, le site fut peu à peu abandonné, puis oublié.
Les ruines ne furent dégagées qu’en 1999, à l’occasion de la construction d’un centre commercial, le bien nommé « Römerpassage », passage romain. J’ai eu un mal fou à le trouver ! Je cherchais un édifice classique, et n’avait pas compris qu’il fallait rentrer dans le centre commercial, et ouvrir cette grande porte vitrée… comme s’il s’agissait d’une autre boutique parmi tant d’autres. C’est sûr que si j’avais lu le nom de la boutique, « Taberna archaeologica », ma quête aurait été simplifiée.
Mayence la chrétienne
Avec le début des invasions barbares, Mayence perd graduellement de l’importance. Elle ne sera plus qu’une ville parmi d’autres sous les mérovingiens. C’est le christianisme qui lui redonnera de l’importance pendant tout le haut Moyen Âge, à l’époque des carolingiens et de Charlemagne. Le diocèse de Mayence avais alors acquis une importance capitale. Mayence, située sur un carrefour, était le point de départ des missionnaires évangélisateurs des Slaves.
L’église de l’abbaye Saint-Alban, avec sa très longue nef, permettait à Mayence d’être le siège de différents synodes, renforçant l’emprise de Mayence sur la chrétienté carolingienne. Il ne reste aujourd’hui plus rien de cette abbaye… comme la plupart des anciennes constructions. Pour la très grande majorité des édifices disparus, c’est la guerre qui en est responsable. La guerre, qui provoque des incendies, ou qui réutilise les pierres pour en faire des fortifications.
Mais par chance, un édifice, et pas des moindres, a pu échapper tant bien que mal aux adversités causées par les antagonismes belliqueux : la cathédrale de Mayence.
Cathédrale de Mayence
La ville, intégrée au Saint-Empire Germanique, y avait un rôle prépondérant. Son dirigeant politique et spirituel, l’archevêque, était également un des princes électeurs du Saint-Empire. En 975, l’archevêque Willigis décide de construire une nouvelle cathédrale, Saint-Martin de Mayence, qui comme son nom l’indique, est dédiée à Saint Martin de Tours. Son but était de renforcer encore l’importance de sa ville au sein de l’Empire. C’est aussi Willigis qui fera construire l’église Saint-Étienne de Mayence.
Les armoiries de Mayence sont inspirées de celles de Willigis. Selon la légende popularisée par les frères Grimm, les deux roues reliées par une croix représenteraient la profession du père de l’archevêque, charron, c’est-à-dire un fabricant de chars, de voitures, de charrettes…
La cathédrale que nous pouvons voir aujourd’hui a conservé la forme originelle et très classique en croix latine. Sa construction dura des siècles, marquée par plusieurs revers de fortune, comme l’incendie du 29 août 1009, jour de la consécration de la cathédrale : les nombreuses torches utilisées pour illuminer la cérémonie provoquèrent le départ de feu, qui s’étendit au mobilier puis au reste de l’édifice. Il faudra attendre le 10 novembre 1036, 27 ans plus tard, pour que l’église soit enfin consacrée.
En 1091, un nouvel incendie endommagea le noble bâtiment. L’intervention de l’empereur Henri IV du Saint-Empire pour le restaurer et l’améliorer fera gagner le titre de « cathédrale impériale » à Saint-Martin de Mayence. A son style roman initial, la cathédrale connaîtra différents ajouts stylistiques au fil des siècles. C’est le cas de l’art Gothique, très présent dans les chapelles collatérales, construites entre les XIIIème et XVème siècles.
Après un incendie provoqué par la foudre en 1767, le Baroque fit son apparition. La tour ouest est ainsi reconstruite : c’est aujourd’hui le pinacle, principale caractéristique de l’église aujourd’hui. Mais quelques années après cette reconstruction, une catastrophe bien plus importante que la foudre s’abattit sur l’ouvrage : le bombardement prussien de 1793 contre ce qui était alors une ville sous l’emprise des révolutionnaires français.
La cathédrale n’était plus qu’un champ de ruines. L’église adjacente, Sainte-Marie aux Marches, était aussi gravement endommagée. Elle fut définitivement rasée en 1803. Quand le nouvel évêque de Mayence, Joseph Ludwig Colmar, pris ses fonctions cette même année, il s’attela à sauver ce qui pouvait être sauvé, et à reconstruire la cathédrale.
La tour néo-romane que l’on voit n’a été érigée qu’en 1875. Finalement, les bombardements dont a été victime Mayence pendant la Seconde Guerre Mondiale ont relativement épargné le vénérable édifice, qui y perdit ses toitures.
Mayence, Gutenberg et l’imprimerie
Peut-être ne le savez-vous pas, mais j’ai une formation de designer graphique, mais aussi de dirigeant d’imprimerie. Et Mayence résonne encore et toujours dans ma tête comme La ville de l’imprimerie. C’est ici en effet que le plus célèbre des mayençais inventa pour l’Occident l’art de l’imprimerie : Johannes Gensfleisch zur Laden zum Gutenberg y créa le premier livre imprimé, la fameuse Bible de 42 lignes.
Cette invention du milieu du XVème siècle, si radicale pour l’époque, permit le partage massif de la connaissance et à l’avènement de la Renaissance. Gutenberg, qui a été proprement « arnaqué » par son banquier et associé Johann Fust, mourut en anonyme. On perdit ainsi la trace de l’inventeur de l’imprimerie à caractères mobiles.
S’il existe une Justice, elle a été quelque peu rétablie, avec l’attribution de son nom à une des plus belles places de Mayence, et l’érection d’une statue à son effigie. Cette place a été voulue par Napoléon, lorsque la France contrôlait la ville.
Le plus beau musée de la ville, le musée Gutenberg, se trouve sur la place de Sainte-Marie aux Marches, tout près de la cathédrale.
Bombardements de Mayence
En se promenant dans la Mayence d’aujourd’hui, l’impression qui s’en dégage est de visiter une ville bâtie dans les années 1950. Nous sommes en présence d’immeubles lisses, sans saveur, purement fonctionnels. Je connais des endroits en banlieue parisienne avec le même glamour… mais ici, cette succession de ce qui semble être des HLMs aux yeux d’un français côtoie par endroits les marques du passé.
Si Mayence est moche, disons-le sans détours, ce n’est pas parce que les mayençais ont mauvais goût. La ville porte simplement les lourds stigmates de plusieurs guerres, où le centre historique, ce qui fait l’âme et l’identité d’une ville, a été plusieurs fois détruit. Il en reste le petit quartier médiéval, avec notamment le très joli Kirschgarten, « jardin des cerisiers » à l’époque de la domination française, et ses anciennes maisons à colombages. On peut deviner également l’ancienne beauté de la ville en observant la « Place du Marché », juste à côté de la cathédrale, ou en visitant la citadelle, élément central de la Forteresse de Mayence.
Pour expliquer la relative laideur de la ville au vu de son passé deux fois millénaire et prestigieux, nous avons bien sûr les destructions massives du passé antique par les nouvelles autorités religieuses chrétiennes. Parfois, le simple zèle des chrétiens, souvent contraires à la volonté même des dirigeants suffisait à porter la destruction sur les splendeurs de l’Antiquité finissante. Les temples disparaissent, les monuments servent de carrières de pierres bon marché. Seul le cénotaphe a véritablement traversé les siècles, sans doute parce qu’il avait une utilité défensive, il s’agit là d’un excellent poste d’observation. Mais soyons francs : il s’agit d’un tas de cailloux, très peu représentatif de ce qu’il avait pu être autrefois.
En fait, ce qui m’a le plus choqué à Mayence, ce n’est pas tant l’absence de points de référence architecturaux. Il y en a. Non, ce qui est étrange à Mayence, c’est le mélange de ces points de référence avec des HLMs. Expliquons-le :
- En 1793, les prussiens bombardent les Révolutionnaires français qui avaient pris la ville. De nombreux hôtels particuliers furent détruits, ainsi que l’église de Sainte-Marie aux Marches.
- Napoléon, lorsque Mayence était le chef-lieu du département du Mont-Tonerre, alors intégré à la République Française, voulu réorganiser l’urbanisme de la ville, en ouvrant de nouvelles rues et avenues. Il n’hésita pas à « tailler dans le vif ». C’est à ce moment que la place Gutenberg est créée.
- En 15 minutes, de 16h30 à 16h45 du 27 février 1945, la ville fut pratiquement rasée par le bombardement aérien de la RAF. Plus de 500 000 bombes ! 80% des maisons du centre-ville furent détruites.
Face au besoin pressant de reconstruction, on fit comme ailleurs en Europe : rapide et efficace. On ne se souciait pas trop à l’époque de la beauté ou de la cohérence architecturale. Les monuments eux, durent attendre un peu plus longtemps, mais furent reconstruits, à l’exception notable de l’église Saint-Christophe, laissée à l’état de ruine, en souvenir du bombardement de 1945.
Mayence « française »
La France possède une longue histoire avec cette ville de ce qui est aujourd’hui l’Allemagne. On pourrait situer le début de cette histoire en Gaule, lorsque le territoire de Mayence était situé à l’extrémité orientale de ce que César nommait la Gaule Belgique. Puis, il y eu les Francs et leur vaste territoire englobant la France actuelle, mais également l’Allemagne, une histoire commune de plus de trois siècles, allant de Clovis à Charlemagne.
Plus près de nous, ce sont surtout les idées de la Révolution Française qui rapprocha Mayence de la République naissante. Les idées, mais aussi l’armée révolutionnaire, qui progressait vers l’est, en « libérant » les villes allemandes du joug de l’Ancien Régime. En 1801, Mayence devient capitale du département français du Mont-Tonnerre, et ce, jusqu’à la fin du règne de Napoléon, en 1814.
Il faut dire qu’à l’époque, on pensait que la France devait atteindre ses « frontières naturelles », qu’elle devait être délimitée par des obstacles naturels et non politiques : le Rhin devait marquer la nouvelle frontière française à l’est. Les français étaient aidés en cela par des penseurs allemands, tout à fait favorables aux idées révolutionnaires.
Les français reviendront un siècle plus tard, à la fin de la première Guerre Mondiale en 1918, lorsqu’ils occupèrent la région jusqu’en 1930, au titre des réparations de guerre dues par l’Allemagne à la France. On les reverra à peine 15 ans plus tard, à l’issue de la Seconde Guerre Mondiale, quand la France occupa la Rhénanie-Palatinat, le Land de Mayence, jusqu’en 1960. Aujourd’hui, Mayence est un symbole de l’amitié franco-allemande.
Est-ce que je vivrais à Mayence? Au vu de ce que j’ai écris, vous devinez facilement ma réponse. Mais je reviendrais sans doute un jour, pour visiter les nombreux musées que je n’ai pas pu voir, ou découvrir le célèbre Carnaval de Mayence, qui a lieu chaque année entre janvier et février.
Photos de Mayence
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