De Sagone à Vico, en Corse
C’est au nord d’Ajaccio, sur le flanc ouest de l’île, que nous découvrons, au détour d’une petite route de montagne aux entrelacs typiquement corses, la petite station balnéaire de Sagone
Table des matières
D’aspect modeste, le calme apparent de Sagone cache pourtant une histoire, une culture et une économie qui s’étendent sur un ensemble de petits villages environnants. Le plus célèbre d’entre eux se nomme Vico. Partons à sa découverte le temps d’un week-end !
Histoire de Vico
Les origines de Vico sont obscures. Et pourtant, des recherches archéologiques attestent de la présence d’hommes à une époque remontant à pas moins de cinq ou six mille ans. La création du bourg date du IXème siècle. C’était une époque où la communauté résidant en bord de mer, à proximité de Sagone, fut chassée par des Maures venus d’Espagne.
Au fil du temps, la commerce entre les deux villages se consolida suffisamment pour ne laisser place, aujourd’hui, qu’à une seule et même entité administrative : Vico-Sagone. L’une sagement assise en bord de mer, l’autre perchée dans les montagnes.
Le point de départ de notre voyage sont les ruines de la Cathédrale romane de Sagone. Construite au début du VIème siècle, elle est jouxtée par les restes d’une basilique paléochrétienne, dont le culte était voué à St Appien, originaire des lieux. Siège de plusieurs évêchés, aujourd’hui inscrite aux Monuments historiques, le site de Sant’Appianu fait l’objet de nombreuses fouilles depuis 1963.
Le site recèle par ailleurs une curiosité inédite : un menhir d’1,65m, détourné de son usage païen, est inséré dans l’appareillage même des murs de l’ancienne cathédrale ! Un splendide baptistère cruciforme, à cuve octogonale s’il vous plaît, vient parfaire l’ensemble.
Couvent Saint-François
Toujours debout, dominant dans un écrin de verdure la vallée du Liamone, le Couvent Saint François date quant à lui de 1481. Agrandi successivement aux XVIIème et XIXème siècles, il recèle un Christ en bois antérieur au XVème siècle – le plus ancien de Corse, dit-on – et un spectaculaire tabernacle en marbre du XVIIème. Fondé par Gian Paolo de Leca qui fuyait ses ennemis génois, l’on aurait retrouvé en l’église le trésor de guerre de la famille, un fortune !
Toujours en activité, les étés sont ponctués par des cycles de conférences et le Festival Sorru in Musica. Au sortir du Couvent, vous pourrez tenter de repérer, sur l’autre versant de la vallée, par delà le Liamone et caché au sein de la splendide montagne de la Sposata, le visage d’une femme, figé par la malédiction d’une mère qui, selon la légende, avait été dépossédée par la fille de tous ses biens.
Randonnée à Nesa et la Punta di à Cuma
À quelques centaines de mètres du couvent se trouve le hameau de Nesa, offrant une vue spectaculaire sur le village de Vico et une fontaine d’eau pure pour se ressourcer. Endroit idyllique pour un petit pic-nic, avant d’attaquer une après midi bien chargée. En effet, c’est de derrière la chapelle que débute un petit trail qui fait l’ascension de la Punta di à Cuma, montagne circulaire culminant à 904 m et offrant diverses vues à couper le souffle sur Vico et, plus en avant, sur la vallée du Liamone… Prévoyez de bonnes chaussures : le dénivelé est particulièrement rocailleux.
La descente peut se faire par le même chemin, mais les plus courageux pourront poursuivre le trail par l’autre flanc du mont, pour parvenir au hameau d’Appriciani. Outre le côté pittoresque des maisons en pierre, c’est un autre menhir qui attire ici notre attention. Découverte par le célèbre Prosper Mérimée, la pierre évoque le visage et le buste d’une femme, également pétrifiée par la vindicte d’une mère, lassée de la frivolité de sa fille. On ne plaisante pas avec ses aînées dans la région ! Par-delà la légende, le mégalithe atteste de la présence d’hommes ayant atteint un certain degré de civilisation dans la région à l’époque de l’âge de bronze, bien avant la création du bourg au IXème siècle donc !
Les trésors de Vico
De passage par le village de Vico et ses petites rues médiévales, l’on ne peut faire l’économie d’un autre monument religieux : l’église Sainte-Marie, qui date du XIXème seulement, avec sa façade néo-classique. Son trésor est à l’intérieur, puisque outre les splendides trompe-l’œil qui en garnissent les murs, la nef présente une quinzaine de tableaux de, entre autres, Giogrio Vasari, Cesare Nebbia, et Francesco Longhi. L’ensemble des vitraux, réalisés par Henri Gesta, ne manquent pas moins d’intérêt.
La journée bien entamée, nous profitons des derniers rayons de soleil pour déambuler dans les rues étroites et profiter de la quiétude des lieux avant de rejoindre notre maison d’hôtes. Nichés sur le flanc le plus élevé du village, les Jardins de la Casa Murza, issus de l’agriculture permacole, sont un havre de paix pour passer la nuit et se restaurer.
La Casa Murza a excellente presse, comme vous le montre ces avis, il ne faut pas que nous croire sur parole ! ;)
Le lac de Creno, terre de légendes
Après un petit déjeuner fait de pain maison et de confitures du jardin, nous partons au petit matin pour nous enfoncer dans le maquis. Les randonnées ne manquent pas dans la région – le célèbre GR 20 passe d’ailleurs un peu plus au nord-est de Vico. Notre choix se porte sur le lac de Creno, dont la légende veut qu’il fût façonné par un coup de marteau du Malin, parti se réfugier de la vindicte des habitants de la région. Pour l’atteindre, nous traversons l’ancien village thermal de Guagno les Bains, nous parquons sur les dessus de Soccia et poursuivons la route à pied.
Joyau parmi les joyaux et entouré d’un écrin de pins, le lac recouvert de nénuphars inspire beauté et quiétude.
Trails et découvertes
Au retour, nous cassons la croûte aux piscines naturelles du Liamone, surplombées par le pont de Belfiore qui relie Murzo à Vico. Halte rafraîchissante où l’eau pure laissera la joie aux plus chanceux de surprendre une truite ou une anguille. D’ici, un trail magnifique démarre en longeant la rivière, avant de remonter sur les Calanques de Muna. Le village abandonné, anciennement desservi par un sentier muletier, s’élève sur une cinquantaine de mètres, fier et silencieux, sur une pente aride au pied de la montagne de la Sposata.
La marche nous prend toute l’après-midi, le paysage est absolument incroyable de beauté. Au retour, nous faisons un arrêt express à la Maison du Miel, et c’est sous les dernières lueurs du jour que nous rejoignons Vico pour une seconde nuit bien méritée chez nos hôtes.
Golfe de Sagone
La dernière journée sera plus calme. Le matin, nous allons jusqu’à la pointe de Puntiglione, offrant une vue magnifique sur le golfe de Sagone. En chemin, nous croisons l’ancienne tour génoise de Cargese, village connu pour ses deux églises – l’une catholique, l’autre de culte grec – qui se font face en surplombant un petit val.
Après un léger repas à Sagone, qui offre un large panel de bars et restaurants, nous nous séparons pour profiter de l’une des nombreuses activités à la carte de la station balnéaire : plage pour certains, plongée pour d’autres, tour en bateau dans la baie pour les derniers. Nous clôturons ce beau week-end par une après-midi toute en douceur, bercés par le bruit de vagues et caressés par les reflets du soleil.
Vico est indéniablement l’un de ces recoins de Corse par lesquels il est bon de passer. Par son histoire, ses trésors d’arts sacrés, son bâti et sa nature alentour, Vico s’impose aux visiteurs comme une terre de culture et de nature où des voyageurs célèbres, écrivains, Présidents de la République et peoples vous auront précédé.
Sources
- Vico Sagone, Magazine, édition Commune de Vico Sagone, n°1, juin 2013.
- U Nuvellaghju, Paesi di Corsica, édition Nuvellaghju SARL, 2014, pp. 329 à 332.
- Vico Sagone, Regards sur une terre et des hommes, éditions Alain Piazzola, 2016.