Liab-i-Haouz, « au bord du bassin » à Boukhara

Chaque ville possède son lieu de rencontres, un endroit emblématique où les citadins se donnent rendez-vous pour passer du bon temps ensemble. Dans cette oasis d’Asie Centrale qu’est la ville de Boukhara, cet endroit spécial se devait d’être proche d’un point d’eau.

Chaque ville possède son lieu de rencontres, un endroit emblématique où les citadins se donnent rendez-vous pour passer du bon temps ensemble. Dans cette oasis d’Asie Centrale qu’est la ville de Boukhara, cet endroit spécial se devait d’être proche d’un point d’eau. Lyab-i-Khauz  ou Liab-i-Haouz, littéralement en ouzbek « au bord du bassin » est un complexe d’édifices en plein centre de Boukhara, où les boukhariotes aiment se retrouver autour d’un thé ou d’un jeu de cartes.

Malgré la quiétude des lieux, ce fut une visite agitée pour le petit touriste que j’étais en Ouzbékistan, une tourista impromptue mais prévisible m’ayant foudroyé lors de mon séjour à Boukhara…

Les écoliers viennent au bord du bassin avec leur professeur pour dessiner.
Les écoliers viennent au bord du bassin avec leur professeur pour dessiner.

Le bassin

Boukhara était autrefois une ville connue pour ses nombreux bassins. Ils apportaient une fraîcheur bienvenue aux habitant et voyageurs passant par là. Mais ils étaient aussi une importante source de maladies. Sous la domination soviétique, la plupart de ces bassins furent détruits, par souci d’hygiène. Celui que nous pouvons apprécier aujourd’hui fut sauvé, de par son intégration dans un ensemble architectural remarquable, le complexe Liab-i-Haouz, bâti aux XVI et XVIIème siècles.

Il s’agit d’un grand bassin rectangulaire d’une cinquantaine de mètres sur son plus grand coté. Le bassin est entouré de mûriers plusieurs fois centenaires. Un mûrier en particulier a été planté en 1477, selon la plaque qu’on lui a posée dessus. Il est mort depuis, mais est un symbole de la place, de nombreuses personnes venant voir cette curiosité.

Le bassin est une halte bien reposante, même pour les touristes en quête de Culture que nous sommes. Malheureusement pour moi, malgré tout le repos que pouvait me procurer cet endroit, j’ai été foudroyé par la maladie la plus classique du touriste : la « tourista » ! Il faut dire que la cuisine de l’Ouzbékistan est délicieuse, je me suis laissé emporter par l’enthousiasme, oubliant un instant que mon estomac occidental devait plutôt éviter les crudités…

Je n’ai donc pas pu apprécier comme je voulais ce superbe endroit, et je suis passé à côté de bon nombre de choses, je m’en aperçois maintenant que je rédige mon article sur Liab-i-Haouz. Au sujet des touristes,  le « tourisme de masse » n’a pas encore fait de ravages à Liab-i-Haouz : nous sommes bien les seuls à photographier le bassin et ses monuments.

Derrière les mûriers centenaires, le bassin.
Derrière les mûriers centenaires, le bassin.
Nous sommes en plein centre-ville, mais cette place est d'un calme olympien. Il faut dire qu'elle est épargnée de la circulation automobile...
Nous sommes en plein centre-ville, mais cette place est d’un calme olympien. Il faut dire qu’elle est épargnée de la circulation automobile…
Les voitures sont pourtant présentes, mais il faut également compter sur la largeur des rues et l'espacement des édifices. Quand on est pas entassés les uns sur les autres, ça va tout de suite mieux!
Les voitures sont pourtant présentes, mais il faut également compter sur la largeur des rues et l’espacement des édifices. Quand on est pas entassés les uns sur les autres, ça va tout de suite mieux!

Nadir Divan-Beghi, la veuve juive et le khanqah

Il y a maintenant cinq siècles, le grand Vizir Nadir Divan-Beghi fit construire un khanqah pour les mystiques soufis. En schématisant, un khanqah est une sorte de monastère. Il ne faut pas oublier que Boukhara était un grand centre de pèlerinage soufi, comme nous le rappelle aujourd’hui le mausolée de Bahaouddin Naqshbandi. Pour agrémenter le khanqah, Divan-Beghi voulu y ajouter un bassin, mais le terrain attenant était la propriété d’une veuve juive.

Tout grand Vizir qu’il était, Nadir Divan-Beghi n’avait pas le pouvoir d’exproprier la dame, qui refusait de vendre son terrain. Il fallut ruser, en utilisant un « aryk », un canal d’irrigation pour son bassin jouxtant la maison de la veuve. Les  infiltrations d’eau de cet aryk provoquaient des dégâts conséquents aux fondations de la maison, forçant la veuve à négocier.

Mais la juive est dure en affaires, et réussi à faire un échange de terrains, avec la permission d’y construire la première synagogue de Boukhara. Nadir Divan-Beghi put enfin construire son grand bassin, autour de l’année 1620. Très vite, les boukhariotes nommèrent cet endroit « au bord du bassin », Liab-i-Haouz. Il s’agissait d’un temps où les juifs, très nombreux à Boukhara, vivaient en paix avec les musulmans, certaines légendes rapportant même qu’ils pouvaient prier sur les mêmes lieux de culte cote à cote…

Le khanqah, impeccablement restauré. Peu de monde aux alentours en ce mois de juin.
Le khanqah, impeccablement restauré. Peu de monde aux alentours en ce mois de juin.
La façade, couverte de mosaïques
La façade, couverte de mosaïques
Nous sommes à l'endroit le plus saint. On peut également acheter des tapis...
Nous sommes à l’endroit le plus saint. On peut également acheter des tapis…
Détail des murs, un juste milieu entre détail et légèreté
Détail des murs, un juste milieu entre détail et légèreté

Madrasa Koukeldach

Cette ancienne école coranique, la plus grande de Boukhara, est également le plus ancien édifice de Liab-i-Haouz, construite en 1568. Son nom lui vient du haut dignitaire Koulbaba Koukeldach, qui offrit la madrasa à Boukhara. Aujourd’hui, c’est un musée consacré à l’écrivain soviétique de langue tadjik Sadriddin Aini, ancien élève de la madrasa.

Madrasa Koukeldash
Madrasa Koukeldash

Madrasa Divan-Beghi

A Liab-i-Haouz, le grand Vizir Nadir Divan-Beghi ne s’arrêta pas au khanqah. Pour améliorer l’accueil des nombreux voyageurs et commerçants de passage à Boukhara, il fit construire un caravansérail. La légende raconte qu’un évènement inattendu changea la finalité de l’édifice : lors de l’inauguration en 1622 du caravansérail, l’émir de Boukhara félicita Divan-Beghi pour cette « merveilleuse madrasa ».

Dès lors, il n’était plus possible pour le bâtiment d’être autre chose qu’une madrasa, ce qui explique aujourd’hui son architecture atypique, finalisée en 1630 pour transformer le caravansérail en madrasa. Architecturalement, c’est  une réponse à la fabuleuse madrasa Shir-Dor de Samarcande construite à la même période, avec cette décoration figurative extraordinaire, normalement interdite en Islam. C’est ici que nous pouvons découvrir sur la façade en mosaïques deux splendides simurghs, un oiseau fabuleux de la culture Perse. Je vous aurais bien montré mes photos, mais j’étais bien trop atteint par la tourista pour penser à photographier la façade de la madrasa. Du coup, j’appelle Wikipédia à la rescousse, en attendant mon retour à Boukhara, où je pourrais photographier comme il se doit les Simurghs.

Une fois cuvée ma tourista pendant la journée, j’ai enfin pu revenir à la madrasa Divan-Beghi, pour y assister à un spectacle pour touristes. Il s’agit d’un défilé de mode basé sur des habits traditionnels, mais mis au goût du jour. Pourquoi pas, je suis bien content d’être tranquille en train de manger mon bol de riz, la madrasa étant désormais, vous l’avez compris, un restaurant pour touristes.

Le Simurgh, oiseau légendaire.
Le Simurgh, oiseau légendaire (source : Wikipédia).
Façade de la madrasa Divan-Beghi
Façade de la madrasa Divan-Beghi (source : Wikipédia)
Les mosaïques et les motifs géométriques, typiques de l'architecture sacrée d'Asie Centrale
Les mosaïques et les motifs géométriques, typiques de l’architecture sacrée d’Asie Centrale
Service de restaurant dans la cour intérieure de la madrasa
Service de restaurant dans la cour intérieure de la madrasa
Tout est prêt pour le spectacle
Tout est prêt pour le spectacle
Le spectacle de danse
Le spectacle de danse
Les costumes sont inspirés des vêtements traditionnels d'Asie Centrale
Les costumes sont inspirés des vêtements traditionnels d’Asie Centrale
Devant la madrasa se trouve la statue de l'équivalent musulman de don Quichotte, le célèbre Nasr Eddin Hodja, très populaire en Ouzbékistan.
Devant la madrasa se trouve la statue de l’équivalent musulman de don Quichotte, le célèbre Nasr Eddin Hodja, très populaire en Ouzbékistan.

Mosquée Magoki Attori

Non loin de Liab-i-Haouz se trouve la plus ancienne mosquée de Boukhara. Son nom, « Magoki Attori », nous rappelle qu’elle est  à moitié enterrée dans le sol, « magoki » voulant dire « fosse ». Elle se trouve quasiment à la même place où se trouvait un ancien temple dédié au dieu de la Lune, Mokh,  et un bazar où l’on venait acheter des épices, et surtout, des idoles.

La particularité unique de cette mosquée est d’avoir servi en tant que lieu de culte aux musulmans, mais également aux juifs de Boukhara, du temps où ils n’avaient pas encore de synagogue. La mosquée fut redécouverte dans les années 1930, lorsque les archéologues la dégagèrent entièrement des sables.

Décorations en façade de la plus ancienne mosquée de Boukhara.
Décorations en façade de la plus ancienne mosquée de Boukhara.
La mosquée a été plusieurs fois restaurée ou modifiée, comme ici l'ajout de cette façade. Au fond, on aperçoit le bazar Taki Sarrafon
La mosquée a été plusieurs fois restaurée ou modifiée, comme ici l’ajout de cette façade. Au fond, on aperçoit le bazar Taki Sarrafon
La mosquée, vue de derrière
La mosquée, vue de derrière

Photos de Liab-i-Haouz

Les mûriers de Liab-i-Haouz
Les mûriers de Liab-i-Haouz
Le bassin, face au khanqah
Le bassin, face au khanqah
Un des nombreux aryks qui irriguent Boukhara
Un des nombreux aryks qui irriguent Boukhara
Les canaux apportent, en plus de la fraîcheur, de l'espace.
Les canaux apportent, en plus de la fraîcheur, de l’espace.
La coupole du khanqah, parsemée de pics représente le soleil et ses rayons.
La coupole du khanqah, parsemée de pics représente le soleil et ses rayons.
Sur cette photo, on remarque bien que les murs ne sont pas tous parfaitement droits.
Sur cette photo, on remarque bien que les murs ne sont pas tous parfaitement droits.
Le spectacle était agréable. Inutile de faire son intégriste de l'authenticité, les traditions ancestrales au XXIème siècle, on les conserve les plus souvent pour les touristes!
Le spectacle était agréable. Inutile de faire son intégriste de l’authenticité, les traditions ancestrales au XXIème siècle, on les conserve les plus souvent pour les touristes!
L'inspiration des derviches tourneurs est claire
L’inspiration des derviches tourneurs est claire
Musiciens ouzbeks
Musiciens ouzbeks
Liab-i-Haouz, « au bord du bassin » à Boukhara
Liab-i-Haouz, « au bord du bassin » à Boukhara

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